Rencontre avec Joel GBAHE, scripte en Côte d’Ivoire
Dans le cadre des rencontres avec des scriptes étrangers, nous vous proposons d’aller à la rencontre de Joël GBAHE, scripte ivoirien vivant à Abidjan.
C’est Marina Bouscarrut (LSA) qui rencontre Joël lors du tournage « Les Damnés de la Terre » de Jean-Pascal Zadi en Côte d’Ivoire. Joël assiste Marina pendant 4 semaines et a été également scripte 2ème équipe.
RENCONTRE AVEC JOEL GBAHE
Dans le cadre des rencontres avec des scriptes étrangers, nous vous proposons d’aller à la rencontre de Joël GBAHE, scripte ivoirien vivant à Abidjan. C’est Marina Bouscarrut (LSA) qui rencontre Joël lors du tournage « Les Damnés de la Terre » de Jean-Pascal Zadi en Côte d’Ivoire. Joël assiste Marina pendant 4 semaines et a été également scripte 2ème équipe.
Joël est notamment scripte sur des programmes locaux comme Marabout chéri, Or blanc, le futur est à nous 1&2, Cash cache, MTV Shuga babi 1&2, Truth, le fruit défendu...
– Quel a été ton premier contact avec le métier de scripte ?
Mon 1er contact avec le métier de scripte a été internet en 2013. J’étais alors scénariste (Truth, Football Love etc...) et je n’avais pas de connaissances approfondies sur le métier de scripte.
– Comment as-tu appris ?
Je suis un véritable autodidacte. J’ai d’abord appris le métier à travers des tutos vidéo et en me documentant toujours sur internet. En 2018, après quelques années à économiser, je me suis inscrit au studio M à Casablanca (École privée des Arts et de l’audiovisuel) ou j’ai fait une année de formation. Je n’ai pas pu achever ma formation pour des raisons financières mais aussi à cause du covid.
– Le poste d’assistant scripte existe-t-il en Côte D’Ivoire ? Le/la scripte travaille Seul(e) ?
J’ai été le 1er scripte à imposer au production un assistant sur les séries depuis 2ans. En Côte d’Ivoire le/la scripte travaille généralement seul(e). Lorsque j’ai un assistant, ça me facilite le travail et on peut se répartir les tâches . Une chose qui est récurrente ici à Abidjan, c’est qu’on oblige le/la scripte à faire le clap sur certain projet. Je l’ai plusieurs fois fait à mes débuts.
– Vas-tu quelque fois au montage ?
R4 : je propose toujours à la production d’être au montage. Certaines me l’accordent pendant que d’autres préfèrent juste que j’échange à distance avec le monteur qui me sollicite à m’importe quel moment. Nous nous échangeons des infos soit par email soit par WhatsApp.
– Y- a-t-il plus de scriptes femmes ou hommes ?
En Côte d’ivoire, il y a plus scripte hommes que de scripte femmes.
– Combien de scriptes y - a-t-il en Côte d’Ivoire ?
Nous ne sommes pas nombreux à pratiquer ce métier professionnellement. Lorsque je me suis rendu compte de la méconnaissance de ce poste, il y a trois ou quatre ans, j’ai commencé à en parler à travers les réseaux sociaux, en faisant des postes, des vidéos, en rencontrant même les étudiants de la nouvelle filière qui venait d’être créer à l’insaac (institut national supérieur des arts et de l’action culturelle). J’ai même fait des masterclass pour que les jeunes cinéastes prennent connaissance du métier.
Depuis ce temps quelques jeunes commençaient à m’approcher pour apprendre mieux le métier et ces derniers que je contacte par moment comme assistants sur certaines productions.
L’année dernière nous avons initié une rencontre pour essayer de créer une association. J’ai pu comptabiliser en tous 8 à 12 personnes au maximum qui pratiquent le métier.
– Depuis combien de temps travailles-tu ?
J’exerce professionnellement le métier de scripte depuis 2013.
– Quel a été ton premier film ?
Le Premier film sur le quel j’ai travaillé comme scripte fut une série de 6 épisodes
– Travailles-tu souvent avec le même réalisateur ?
Il m’arrive de travailler avec les mêmes réalisateurs sur les séries qui font leurs deuxièmes ou troisièmes saisons. Sinon pour les longs métrages j’ai toujours travaillé avec différents réalisateurs.
– Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton travail ?
J’aime la collaboration avec le réalisateur mais aussi avec le chef opérateur. J’aime lorsque l’on choisit ensemble la meilleure façon de raconter l’histoire en image.
– Et qu’est-ce que tu n’aimes pas ?
Je déteste faire les rapports de production. ;)
– Comment peux-tu décrire ta position au sein de l’équipe mise en scène ?
Comme j’aime bien le dire, sur un plateau je fais partie du « secret des Dieux ». Faire partie de la minorité de personnes qui savent le déroulé et la fin du film c’est comme posséder un pouvoir divin. J’aime être chef de poste, au cœur du tournage, au plus près de la face.
– Formez-vous une équipe avec l’équipe mise en scène ?
J’aime toujours comparer le cinéma au football. Pour moi les joueurs sont égaux aux techniciens. Tel qu’au football chaque poste est important pour gagner un match, au cinéma chaque poste est également important pour faire un bon film. Oui je suis obligé de former une équipe, et pas seulement avec l’équipe mise-en-scène.. mais avec tous ! J’ai besoin d’une bonne communication avec tous pour faire correctement mon métier.
– Depuis que tu travailles, as-tu noté des changements dans la façon dont fonctionne un plateau, techniquement ?
Oui j’ai remarqué, au fil du temps ,de nombreux changements.
Avant, les documents tel que la continuité et le plan de travail, n’étaient pas à disposition de
tous. A chaque fin de journée le/la scripte devait tenir une réunion avec les costumières, accessoiristes, décorateurs, maquilleurs(es), coiffeurs, pour parler des raccords de la journée à venir. Aujourd’hui une plateforme est constamment créée pour échanger les informations avec tous.
Auparavant c’était uniquement le/la scripte qui faisait ses photos raccords. Tous les autres postes se rapprochaient du scripte pour avoir une information. Aujourd’hui chaque département fait ses photos raccords.
– Comment se passent la préparation et le tournage ? Comment t’organises-tu ?
Après lecture du scenario, je fais le dépouillement, le minutage et la continuité. Sans ces trois éléments, je ne peux pas être opérationnel sur un plateau. Pendant le tournage je fais le rapport montage et je prends des photos raccords. Une fois rentré à la maison, je fais le rapport image et je classe et fais des photos de chaque feuille du rapport montage pour le ranger dans le dossier du jour sur mon ordinateur en l’accompagnant des photos raccords. Après avoir pris connaissance de la feuille de service du lendemain, je ramène les photos raccords à la costumière, la maquilleuse et coiffeuse, à l’accessoiriste et quelque fois à la déco. Le lendemain, je range le rapport de montage et image dans un dossier que je remets physiquement à la production. Et Je fais un point avec le HMC avant le démarrage de la journée.
– Utilises-tu des logiciels ?
Je connaissais l’existence de certains logiciels tel que le système scriptE mais je ne l’ai jamais utilisé. J’ai utilisé pour la première fois un ipad et des logiciels en étant l’assistant de Marina sur le film. On a utilisé Goodnotes, Numbers, Excel et Mypics.
– Comment sont nommés les plans sur le clap ? Selon l’ordre de tournage ou selon l’ordre de montage ?
Je remplis le clap selon l’ordre de tournage.
– Y-a-t-il des écoles qui forment les scriptes ?
Il y a trois ou quatre ans qu’une filière du cinéma a été créer à l’INSAAC (institut national supérieur des arts et de l’action culturelle) cependant il n’y a pas de spécialisation en scripte.
– Avez-vous des lois concernant le travail ? Recevez-vous des indemnités
Chômage ?
Oui nous avons des lois qui régissent notre cinéma mais la difficulté est qu’elles ont du mal à être appliquées. Le barème salarial des techniciens du cinéma a été établi depuis plusieurs années mais n’a jamais pris effet. Il n’existe pas de répertoire précis décomptant le nombre exact de personnes qui opèrent dans le domaine du cinéma ivoirien. Nous n’avons aucune indemnité. Pas même une carte professionnelle légale qui nous identifie comme technicien de cinéma.
– Est-ce que tu peux vivre de ton métier ?
Vivre de mon métier est une quête permanente pour moi pour donner un exemple aux jeunes que j’encourage à pratiquer ce métier. Je leur présente parfois le montant de mes contrats. Oui, Je crois fortement que je peux pleinement vivre de ce métier s’il est suffisamment reconnu et considéré et mieux rémunérer. Pour l’instant avec ma journée de travail évalué à 77 euros j’arrive à vivre dans un quartier chic et sécurisé d’Abidjan et m’occuper de ma petite famille. C’est déjà un grand pas.
– Y a-t-il des cinémas en Côte d’Ivoire ? Combien ?
Oui il y avait 4 salles de cinéma qu’on appelle les cinéma Majestic. Depuis le 23 avril 2024 Pathé a ouvert 6 nouvelles salles. Ce qui porte le nombre de salle à 10 uniquement à Abidjan. Dans les provinces, à l’exception de Yamoussoukro qui dispose d’une salle, il n’y a plus d’autre salle dans tout le reste du pays.
Propos recueillis par Marina Bouscarrut, en souvenir d’une super collaboration artistique & humaine ;)