Masterclass : Le scénario lu par les chefs de postes
La masterclass de ce mois, organisée par Séquences 7, consacrée au scénario lu par les chefs de postes, a rencontré un vif succès.
Séquences 7 remercie Caroline Champetier, Chloé Cambournac, Brigitte Schmouker et Mickaël Cohen d’être venus donner leur point de vue et partager leur passion.
L’association remercie également L’AFC, l’ADC, et Les Scriptes Associés - LSA pour leur collaboration à cette soirée.
Nous vous invitons à lire le témoignage de Brigitte Schmouker
Cette Table Ronde sur le sujet de “L’appropriation du scénario par les chefs de poste des équipes de tournage”. a été initiée et organisée par Séquences7, l’Association de Scénaristes émergents.
Sur l’estrade, les animateurs-modérateurs de la discussion étaient :
Alban Ravassard, auteur-réalisateur, Président de Séquences 7
Edouard Blondeau, scénariste, membre du Bureau de Séquences 7
Et les intervenants :
- Chloé Cambournac, chef-décoratrice
- Caroline Champetier, directrice de la photographie
- Mickaël Cohen, assistant de réalisation
- et moi, Brigitte Schmouker
La Table Ronde a commencé vers 19h
…et a duré jusqu’à 22h ou 22h30.
Nous avons, à tour de rôle, répondu à toutes les questions posées.
Nous avons aussi abordé d’autres aspects de notre travail, au fur et à mesure que les idées nous venaient, inspirées parfois par la réponse de l’un ou l’autre.
L’auditoire était attentif, l’ambiance tout à la fois concentrée et chaleureuse, à la fin il y a eu beaucoup de questions de la salle.
En résumé, que vous dire ?
Il m’a semblé que nous avions, tous les quatre, de nombreux points communs mais aussi des points de vues nuancés sur notre perception et notre utilisation du scénario.
L’assistant-réalisation a eu un discours très pragmatique ( sur son travail de Dépouillement et son organisation du Plan de Travail ), la chef-déco un langage sensible et imagé ( sur ses sources d’inspiration ), la directrice-photo un vocabulaire rigoureux et une analyse intellectuellement brillante elle a eu une très belle définition du scénario, en disant que “le scénario c’est l’objet d’où naît notre désir du film”), j’ai pour ma part essayé d’être précise, concrète et claire sur notre lecture particulière du scénario, la structure de notre travail de préparation, l’utilisation que nous faisons du scénario tout au long du tournage, l’interaction que nous avons avec les différents autres corps de métier, et la communication avec le montage que j’ai défini comme étant, de fait, une deuxième écriture du scénario et que nous avons surtout à charge et à coeur d’anticiper.
J’ai exprimé ma conception qu’un film, c’est du temps qui passe, dans un espace en mouvement (Caroline Champetier a d’ailleurs insisté sur cette notion), et que notre travail de scripte est, entre autres choses, lié au questionnement et à la gestion de ce temps qui passe ( notamment par le Minutage, les Continuités, les Raccords …).
J’ai aussi spécifié que, selon moi, entre Cinéma et Série-TV se pose la question de la liberté ou pas de création sur le tournage par rapport à la narration. J’ai dit que, en Long-Métrage, le scénario n’est pas figé, il peut changer, évoluer, au cours du tournage, selon l’inspiration qui peut jaillir à tout moment.
Caroline Champetier a rebondi sur cette idée en parlant de l’aspect organique, vivant, du scénario. Pour elle, un film, c’est la vie, “filmer c’est capter la vie”. Puis j’ai opposé à cela que sur une Série-tv, le scénario est davantage formaté, et donc figé, le tournage industrialisé et contraignant, d’où notre travail de scripte beaucoup plus rigoureusement respectueux de ne presque rien laisser changer par rapport à ce qui a été écrit. J’ai d’ailleurs dit, à ce sujet, que je regrettais que les Arches des Séries ne nous soient pas communiquées, alors que cela nous aiderait à savoir si on peut ou pas laisser un acteur changer des choses, et argumenter à bon escient …
J’ai dit que le lien entre eux-scénaristes et moi-scripte est fort, puisque je suis, tout au long du tournage, garante de la cohérence et du respect de ce qu’ils ont écrit. Ce pour quoi j’apprécie d’ailleurs l’appellation anglaise de “Script-Superviser” ...
J’ai également expliqué que, pour moi, un scénario est comme une partition de musique, qui va être interprétée. Et que les scénaristes doivent non pas se sentir dépossédés ou trahis, mais doivent accepter que l’interprétation de leur texte prenne des nuances, des couleurs différentes de ce qu’ils avaient imaginé. La musique de Bach, jouée par Glenn Gould est très différente d’un autre pianiste, elle n’en reste pas moins de Bach. Le cinéma, c’est un sport collectif, où chaque corps de métier, chaque artiste-comédien, chaque technicien-artiste, inspiré à sa façon par le scénario, prend la balle à son tour et la renvoie forcément légèrement modifiée, … le film naît de tout cet enrichissement-là.
Au fur et à mesure du débat, nous nous sommes rendus compte que nous ne faisons pas assez de réunions communes en Préparation, pas assez de lectures ensemble du scénario, que nous n’échangeons pas assez nos documentations.
En conclusion
Nous étions heureux d’avoir eu cette opportunité d’exprimer les particularités et les convergences de nos métiers autour du scénario. Et surtout d’échanger sur ce sujet : « l’appropriation du scénario » , auquel aucun d’entre nous n’avait jusqu’alors jamais personnellement réfléchi.
Nous avons regretté qu’un chef-monteur ou qu’une chef-monteuse ne soit pas là pour débattre avec nous.
Les organisateurs, contraints par un temps de débat limité, nous ont dit avoir en fait envisagé une autre Masterclass, avec le Son aussi.
La Table Ronde a été suivie d’un cocktail, amical, où nous avons pu parler individuellement aux uns et aux autres.
Le public nous a chaleureusement remercié, et chacun nous a dit son enthousiasme : ces jeunes scénaristes n’ont quasiment jamais eu l’opportunité de venir sur un plateau de tournage, et ont donc découvert hier soir sinon nos métiers, du moins les détails “techniques” de notre travail.
Plusieurs jeunes auteurs-réalisateurs sont venus me voir, en me disant qu’ils ne peuvent pas imaginer de tourner sans scripte, alors que, parfois, de jeunes Producteurs, pour leurs courts-métrages, leur disent qu’“une scripte, ça ne sert à rien”, que “n’importe qui, dans l’équipe, peut vérifier si le verre était à moitié vide ou à moitié plein …” . Mais eux estiment que là n’est pas la seule importance du regard de la scripte, et m’ont dit être, après cette Masterclass, encore plus convaincus d’avoir besoin de sa complicité artistique.
Malgré ma grande timidité, qu’il m’a fallu bousculer, j’ai été ravie d’y participer, de rencontrer les unes et les autres, de sentir l’audience attentive, et de constater l’évident et ardent souhait que la parole s’échange entre nous, artistes et techniciens, et que les rencontres aient lieu.
Texte : Brigitte Schmouker
Photo : Sébastien Morin