La scripte est la mémoire du film - la « Fée Clochette » - elle me reparle du scénario quand je m’en éloigne plus ou moins volontairement. Elle s’assure qu’il s’agit d’un choix et non d’un oubli. Elle assure la continuité du film, non seulement les raccords localement, mais aussi la cohérence globale... Bruno Podalydès

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La réalité des revenus des scriptes : LSA fait le bilan

Enquête et étude statistique

Publié le 1er mai 2013

CONTRIBUTION LSA

Notre association Les Scriptes Associés a voulu faire le point sur les conditions d’emploi, de salaires et de revenus annuels (allocations chômage incluses) des scriptes de fiction.
Nous souhaitions réfléchir et participer aux débats qui animent notre secteur professionnel sur les grandes questions en cours :
- la convention collective du cinéma et son extension
 la renégociation Unedic et le régime des intermittents (annexe 8 pour les techniciens)
 l’équité des salaires homme/femme (le métier de scripte étant historiquement féminin en France)

En réponse aux allégations concernant nos prétendus salaires exorbitants, nous avons mené une étude sur la réalité de nos revenus.

Cette enquête, menée en interne en décembre 2012, a permis de récolter des données sur 4 ans entre 2008 et 2011.
L’échantillon, de 34 membres sur un total de 70, confié à un statisticien, a paru suffisamment représentatif pour donner lieu à une analyse.

Les chiffres qui s’en dégagent s’appuient sur des salaires versés à la semaine. A l’échelle hebdomadaire ces salaires peuvent paraître importants, mais répartis sur l’année ils sont loin d’être excessifs, compte tenu de la nature discontinue de l’emploi et de la précarité propres à nos métiers.

Ainsi ces chiffres font apparaître, pour ce poste de cadre (diplôme de la Fémis BAC+5), un salaire mensuel médian [1] de 1.500 euros.

Loin des fantasmes qui circulent sur les salaires mirobolants des techniciens du cinéma qui entraveraient la création, cette étude éclaire donc concrètement la réalité d’un métier dont la précarité grandissante découle entre autres de l’absence prolongée d’une Convention Collective étendue dans le Cinéma.

Enfin, nos salaires peuvent se voir augmentés d’éventuelles allocations chômage versées dans le cadre du régime intermittent de l’Annexe 8 de l’Unedic. Leur montant moyen avoisine les 1000€. Ces indemnités ne sont accordées que sur des critères très stricts et de plus en plus difficiles à réunir, et pourtant elles jouent un rôle primordial en tant que régulateurs des inégalités salariales.

Les résultats de cette analyse démontrent ainsi que les revenus des scriptes de fiction ne peuvent pas être amputés de ces allocations chômage ni diminués par des salaires revus à la baisse dans les grilles conventionnelles.

LSA, avril 2013.


Hugo Harari-Kermadec
Maître de conférences à l’ENS Cachan et chercheur au laboratoire Institutions et Dynamiques
Historiques de l’Economie (IDHE, Unité Mixte de Recherche 8533 du CNRS)
61 Avenue du Président Wilson
94230 Cachan

hugo.harari@ens-cachan.fr

ANALYSE DES REVENUS DES SCRIPTES

ÉTUDE COMMANDÉE PAR LSA

Ce dossier reprend les données recueillies par l’association professionnelle Les Scriptes Associés (LSA) sur les revenus des ses adhérent.e.s [2] sur la période 2008-2011. L’échantillon comporte 34 technicien.ne.s pour le cinéma et la télévision sous CDD d’usage pour lesquelles sont relevées la somme des salaires et la somme des allocation chômage perçues sur l’année, à partir de l’avis d’imposition [3]. La grande majorité des répondant.e.s (30 sur 34) déclarent des données pour toute la période, les rares données manquantes concernant les premières années.

I. RÉPARTITION DES SALAIRES

Les salaires perçus sont relativement homogènes : pratiquement chaque année, près de la moitié des répondant.e.s déclarent avoir perçu un salaire annuel imposable se situant entre 10 000 € et 20 000 €. Le SMIC net imposable annuel pour 35 heures hebdomadaires évoluant entre 12 900 € et 14 000 € sur cette période, on trouve que plus du quart (28%) des salaires déclarés sont inférieurs au SMIC.

La Figure 1 ci-dessous présente la répartition des salaires en 2008.
En équivalent mensuel (salaire annuel divisé par 12), la moitié des salaires se situent entre 1 000 € et 2 000 € par mois. Un tiers des répondant.e.s touchent plus de 2 000 € par mois [4] et le cinquième restant moins de 1 000 €. En comparant la répartition des salaires sur les différentes années (Figure 2), on observe qu’elle est assez stable.

Figure 1 Répartition des salaires en 2008 rapportés à une base mensuelle. Le troisième rectangle indique que 10 personnes ont touché l’équivalent d’un salaire mensuel situé entre 1 000 € et 1 500 € en 2008.

Figure 2 Répartition des salaires rapportés à une base mensuelle (2008-2011). Même lecture qu’au-dessus, chaque couleur correspondant à une année.

Le salaire mensuel moyen est de 1 665 €. Comme attendu, le salaire moyen est supérieur au salaire médian [5] qui s’élève à 1 500 €.
Ceci signifie que, comme pour la plupart des secteurs, les salaires sont plus concentrés vers le bas et s’étalent davantage vers le haut.
Par ailleurs, les salaires moyen et médian sont assez proches ce qui semblerait indiquer peu d’inégalité salariale dans l’échantillon, une particularité inattendue dans un secteur du cinéma qu’on imagine au contraire très hétérogène.

Plusieurs explications peuvent néanmoins nuancer ce commentaire.
Pour les salarié.e.s à temps plein à l’année, les salaires sont limités en dessous par le SMIC ; cette limite mécanique ne s’applique pas pour un travail intermittent, une partie de l’année étant presque toujours chômée, ce qui conduit à un salaire total annuel très bas pour les personnes ayant obtenu peu de journées de travail.
Le salaire moyen est alors tiré vers le bas et donc vers le salaire médian.
Par ailleurs, nous ne disposons pas d’indications sur les situations vis-à-vis du temps de travail (temps partiel difficile à définir ici, difficulté professionnelles, maternité).

II. RÉPARTITION DES INDEMNITÉS

Les années sans Assedic semblent pratiquement inexistantes  : les répondant.e.s accèdent au statut d’intermittent au moins une partie de l’année, sans pour autant travailler suffisamment pour échapper au chômage indemnisé.
Cependant, on n’observe qu’une indemnité supérieure à l’équivalent de 1 750 € mensuels. La répartition des allocations (Figure 3) est assez resserrée autour de l’indemnité moyenne d’environ 1 000 € par mois, (presque confondue avec la médiane).

Figure 3 Répartition des allocations en équivalent mensuel (2008-2011).

Il apparait que dans cette profession les indemnités constituent un complément systématique du salaire et un élément homogénéisant du revenu [6].

Pour aller plus loin dans l’analyse du régime économique de l’échantillon, il est intéressant d’étudier la corrélation entre salaire et indemnité afin de mesurer si ces deux types de revenus se compensent (les hauts salaires touchent peu d’indemnité) ou au contraire s’ajoutent (les hauts salaires touchent beaucoup d’indemnité).

Figure 4 Salaires et allocations (2008-2011). Chaque point correspond aux déclarations d’un individu pour une année, la couleur correspondant à l’année. Le losange bleu en haut à droite correspond à un (rare) individu ayant touché à la fois un bon salaire et une forte indemnité, en 2008. Les droites indiquent la corrélation entre salaire et allocation : elles sont presque horizontales, ce qui correspond à une absence de lien (corrélation non significative).

Il apparait qu’en pratique pour les scriptes ces deux revenus sont très faiblement liés au niveau annuel : que le salaire soit faible ou élevé, l’allocation reste proche de 1 000 € par mois.
Dans les cas – rares dans l’échantillon – de perte complète de droit, l’absence d’allocation s’ajoute au faible salaire.
Une analyse des revenus mois par mois présenterait sans doute un résultat très différent puisqu’on observerait alors un relais entre salaire et allocation.

III. REVENU TOTAL

Les salaires des scriptes sont régulièrement inférieurs au SMIC.
Qu’en est-il du revenu total, y inclus les indemnités ?

On trouve chaque année un revenu annuel inférieur au SMIC annuel, sauf en 2010 où 5 répondants sur 34 ne sont pas parvenus à toucher plus que le SMIC en cumulant salaire et allocation.
A l’opposé de la distribution, on n’observe que deux revenus annuels (correspondants à deux personnes différentes) supérieur à 60 000 €, soit 5 000 € sur une base mensuelle, et très peu de revenus supérieurs à 50 000 € [7] (seuls 7 revenus annuels sur 133, soit 5%, dépassent ce seuil).

Au niveau général, la répartition des revenus est assez régulièrement dispersée autour d’une moyenne proche de 32 000 €, sauf en 2010 (la moyenne chute à 28 700€).

Figure 5 Répartition des revenus annuels (2008-2011), en milliers d’euros (k€).

La dispersion des revenus est, en terme relatif, fortement inférieure à celle des salaires : les indemnités jouent donc un rôle de régulation des revenus, en amortissant les différences.
Le rapport entre quartiles permet de mesurer cet effet : si un quart des répondant.e.s touchent deux fois plus de salaire que le quart le moins bien payé, leur revenu total n’est finalement que de 57% supérieur.

Il apparait globalement que les allocations sont un élément déterminant du revenu des scriptes, tant en terme de la part des salarié.e.s concerné.e.s que d’effet réducteur des inégalités salariales.


http://www.lesscriptesassocies.org / scriptesassocies@wanadoo.fr

5 rue du Colonel Oudot - 75012 PARIS

CONDITIONS D’EMPLOI ET REVENUS DES SCRIPTES DE FICTION

Notre association Les Scriptes Associés (LSA) regroupe plus de 70 membres, ce qui représente environ un tiers des scriptes de fiction en exercice.

Voici une synthèse de nos conditions d’emploi et de nos revenus, afin de replacer dans son contexte l’analyse statistique ci-jointe.

Un niveau de technicité élevé

 Nous travaillons au sein de l’équipe mise en scène, aux côtés du réalisateur et de l’assistant réalisateur, notre fonction essentielle étant d’assurer la cohérence globale du film.

 Définition du métier incluse dans la CCC de janvier 2012 :
« Collaborateur technique et artistique du réalisateur. Il fait le lien avec le directeur de production et le monteur, notamment via les rapports artistiques et administratifs. Pendant la préparation, est chargé de pré-minuter les scénarii et d’établir une continuité chronologique. Responsable de la continuité, il veille à sa bonne mise en œuvre pendant le tournage. »

 Le diplôme de référence de notre métier est celui dispensé par la Femis, école publique dépendant du Ministère de la Culture. Le niveau d’études à la sortie est BAC + 5 (master 2).

Un marché de l’emploi réduit

 Notre champ professionnel est restreint, car essentiellement composé de fictions (longs métrages, moyens et courts métrages, téléfilms unitaires et séries).
Nous travaillons rarement sur des publicités ou des clips, et jamais sur des documentaires.

 Pour nous assurer une "relative" régularité de travail, le défi à relever est de collaborer avec plusieurs réalisateurs-trices dont les projets prennent souvent plusieurs années à se concrétiser.
Nos périodes de travail sont donc forcément espacées car soumises aux aléas des mises en production des films.

 Alors que les temps de tournage sont équivalents pour l’ensemble de l’équipe technique, les temps de préparation sont différents, et les nôtres particulièrement courts.
Pour chaque film, nous totalisons donc une durée de travail relativement brève.

Un niveau de rémunération faible

 Notre salaire de cadre n’a pas augmenté proportionnellement au coût de la vie durant ces trente dernières années.
Malgré l’ampleur de nos responsabilités, notre rémunération reste d’un niveau faible : pour 39 heures hebdomadaires, notre salaire brut se situe entre 967€ (grille 2 de la Convention de l’audiovisuel) et 1.200€ (Convention Collective du Cinéma).

 L’une des explications de ce faible niveau de rémunération réside certainement dans le caractère historiquement féminin de notre poste.

 D’autres explications sont à trouver dans les applications concrètes des conventions :

  • L’usage actuel est de présenter le salaire minimum syndical comme salaire maximum, sans prendre en compte le niveau d’expérience.
  • Au cours des renégociations successives, notre salaire a glissé vers le bas dans la grille générale.
  • Il est courant que les employeurs prennent de plus en plus de libertés face aux stipulations des conventions en proposant des salaires à -20%, -30%, voire -50% des minima syndicaux, et en ne payant pas les heures travaillées dans leur totalité ou à leur niveau de majoration conventionnelle.
  • Enfin, les augmentations légales de salaires indexées sur le coût de la vie ne sont plus strictement appliquées.

En conclusion

Lissé sur l’année, notre salaire moyen mensuel brut s’élève à 1.665€ ce qui est bien loin du salaire moyen d’un cadre, qui est de 3.950€ (chiffre INSEE 2010, publié par L’Expansion en Juin 2012, voir article ci-joint).

Ce salaire peut se voir augmenté d’éventuelles allocations chômage versées dans le cadre du régime intermittent de l’Annexe 8 de l’UNÉDIC et dont le montant moyen avoisine les 1000€, ces indemnités n’étant accordées que sur des critères très stricts et de plus en plus difficiles à réunir.

Nos revenus ne peuvent donc pas être amputés de ces allocations ni diminués par des salaires revus à la baisse dans les grilles conventionnelles.

Le bureau LSA

9 avril 2013

Analyse statistique des revenus des scriptes
Conditions d’emploi et revenus des scriptes_LSA

Notes

[1Salaire médian : salaire tel que la moitié des salariés considérés gagne moins et l’autre moitié gagne plus. Il se différencie du salaire moyen qui est la moyenne de l’ensemble des salaires considérés.

[2L’association compte 72 membres en 2012, ce qui représente environ un tiers de la profession.

[3Cette méthode, recommandée par le questionnaire, peut expliquer que nous n’avons trouvé que peu d’incohérence dans les données (revenu total inférieur à la somme des salaires et des allocations par exemple).
Du fait de l’intermittence, salaire et allocation ne font sens qu’au niveau annuel ; nous avons néanmoins calculés des équivalents mensuels pour faciliter l’appréhension des ordres de grandeur.

[4Le plus haut salaire en 2008 est équivalent à 3 920 € mensuels.

[5Le salaire médian sépare l’échantillon des salaires en deux : une moitié des déclarations est inférieure, l’autre moitié supérieure. La moitié des répondant.e.s touchent donc moins de 1 500€ par mois.

[6La construction de l’enquête peut renforcer cette homogénéité : les enquêté.e.s sont membres de LSA, dont l’adhésion est conditionnée à une certaine intégration dans la profession (en particulier une ancienneté suffisante). La définition de scripte retenue ici écarte peut-être les situations les plus précaires. Cet élément joue en sens inverse du biais usuel sur les déclarations de revenus (tendance à sous déclarer).

[7Equivalent à 4 167 € par mois.

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